Depuis quelques années, nombre d’entreprises françaises ou européennes se sont vu infliger des sanctions financières d’un niveau sans précédent par des autorités étrangères, dont les objectifs en apparence légitimes (lutter contre la corruption, faire respecter les règles en matière d’embargos, etc.) n’en ont pas moins soulevé des interrogations sur la légitimité de certains régulateurs, en particulier outre-Atlantique, à s’arroger une compétence extrêmement étendue pour connaître d’opérations commerciales sans lien direct avec leur juridiction territoriale. Apparaissait également, dans les poursuites engagées, une surreprésentation manifeste des entreprises européennes par rapport à leurs concurrentes des États-Unis.
Certains connaisseurs du droit des États-Unis considèrent que sa prétendue extraterritorialité est un faux problème. D’autres considèrent au contraire que ce phénomène préoccupant est consubstantiel au droit des États-Unis, ou encore à un fonctionnement offensif de l’action publique. D’autres encore observent qu’il n’est pas propre aux États-Unis mais peut-être un sous-produit de la globalisation du Droit… Toujours est-il que face aux dommages financiers créés par cette tendance, les entreprises européennes, et particulièrement françaises, se sentent désarmées.
A travers ce constat de plus en plus prégnant de l’application extraterritoriale des règles de droit, c’est une forme de redéfinition du principe même de justice qui est en jeu, avec les risques nouveaux associés à cette tendance croissante consistant, sous l’appellation en particulier de « lawfare », à concevoir et utiliser la norme non pas simplement au service de valeurs sociales à protéger, mais aussi comme une arme de combat et un outil de projection de la puissance. Posant des questions inédites en termes de souveraineté dans un monde globalisé, il s’agit là assurément, pour les entreprises comme pour les Etats, d’un des grands défis des années à venir.
Ce webinaire fait suite à une première conférence organisée en février 2020 par France-Amériques, intitulée La « justice négociée », le droit français sous influence américaine ? ». Il s’inscrit dans une réflexion plus générale relative à la guerre économique et vise en particulier à analyser la manière dont, parfois, le Droit et la Justice peuvent paraître être utilisés, au-delà de leurs finalités propres, en tant qu’instrument d’influence stratégique entre grandes puissances.